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Le Chant de Gorge : Une Tradition Musicale Unique

Le chant de gorge, également connu sous le nom de chant diphonique, est une technique vocale complexe et fascinante pratiquée par différents peuples à travers le monde, notamment en Asie centrale et dans l'Arctique. Plus qu'une simple performance vocale, il s'agit d'une expression culturelle profonde, intimement liée à l'environnement, à l'histoire et aux croyances des communautés qui le pratiquent. Cet article explore les différentes facettes de cet art ancestral, en mettant en lumière ses origines, ses techniques, ses variations culturelles et sa résurgence contemporaine.

Origines et Répartition Géographique

Les origines exactes du chant de gorge sont difficiles à déterminer, mais les preuves suggèrent qu'il s'est développé indépendamment dans plusieurs régions du monde. La forme la plus connue est sans doute le chant diphonique touvain (khöömei), originaire de la République de Touva, une région montagneuse de Sibérie du Sud, en Russie. Cependant, des techniques similaires existent également en Mongolie (kharkhiraa), chez les peuples inuits (katajjaq), en Afrique du Sud (chant des Xhosa et des Zulu) et dans d'autres cultures.

La prévalence du chant de gorge dans des environnements souvent rudes et isolés suggère un lien profond avec la nature. Dans de nombreuses cultures, le chant de gorge est utilisé pour imiter les sons de la nature, tels que le vent, l'eau, les animaux et les paysages montagneux. Il peut également être utilisé dans des contextes rituels et spirituels, comme une forme de communication avec les esprits ou une manière d'entrer en transe.

Techniques et Types de Chant de Gorge

Le principe fondamental du chant de gorge est de produire simultanément deux sons distincts : une note fondamentale (le bourdon) et une ou plusieurs harmoniques. Ceci est rendu possible par un contrôle précis des résonances dans les cavités buccales et pharyngées. Le chanteur modifie la forme de sa bouche, de sa langue et de sa gorge pour amplifier certaines harmoniques et créer des mélodies distinctes au-dessus du bourdon.

Il existe de nombreuses variations techniques et stylistiques de chant de gorge, qui diffèrent selon les cultures et les régions. Voici quelques exemples :

  • Khöömei (Touva) : Le termekhöömei signifie "gorge" en touvain et désigne une variété de styles de chant diphonique. Parmi les styles les plus courants, on trouve lesygyt (imitation du sifflement du vent), lekargyraa (bourdon grave et profond) et leezenggileer (rythme rapide et saccadé).
  • Kharkhiraa (Mongolie) : Un style de chant de gorge grave et puissant, souvent associé aux chants épiques et aux rituels chamaniques.
  • Katajjaq (Inuit) : Une forme de chant de gorge pratiquée par les femmes inuites, caractérisée par des rythmes complexes et des imitations de sons de la nature et d'activités quotidiennes. Lekatajjaq est généralement pratiqué en duo, où les chanteuses se font face et s'imitent mutuellement.

Chaque style de chant de gorge a ses propres caractéristiques techniques et esthétiques, et nécessite des années de pratique pour être maîtrisé. Les chanteurs de gorge doivent développer une conscience aiguë de leur corps et un contrôle précis de leurs muscles vocaux.

Le Chant de Gorge Touvain (Khöömei) en Détail

Le chant de gorge touvain est peut-être la forme la plus étudiée et la plus connue du chant diphonique. Il est profondément enraciné dans la culture touvaine et est considéré comme un symbole de l'identité nationale. Les chanteurs de gorge touvains sont souvent considérés comme des artistes respectés et sont invités à se produire lors de festivals, de concerts et d'événements culturels à travers le monde.

Les différents styles de Khöömei :

  • Sygyt : Ce style imite le sifflement du vent ou le son d'un ruisseau. Il est caractérisé par une harmonique aiguë et claire, qui flotte au-dessus d'un bourdon grave.
  • Kargyraa : Ce style produit un bourdon très grave et profond, souvent comparé au son d'un ours ou d'un taureau. Les harmoniques sont moins prononcées dans ce style, mais elles contribuent à la richesse et à la complexité du son.
  • Ezenggileer : Ce style imite le bruit des étriers d'un cavalier. Il est caractérisé par un rythme rapide et saccadé, créé en modifiant rapidement la forme de la bouche et de la langue.
  • Borbangnadyr : Ce style imite le son de l'eau qui coule et les bulles.
  • Chylandyk : Ce style est semblable au sygyt, mais plus doux et plus mélodique.

Lekhöömei n'est pas seulement une technique vocale, mais aussi une forme de narration et d'expression culturelle. Les chanteurs de gorge touvains utilisent souvent leurs chants pour raconter des histoires, décrire des paysages, imiter des animaux et exprimer leurs sentiments et leurs émotions.

Le Chant de Gorge Inuit (Katajjaq)

Lekatajjaq, ou chant de gorge inuit, est une tradition vocale unique pratiquée par les femmes inuites dans l'Arctique canadien. Contrairement au chant diphonique touvain, lekatajjaq est généralement pratiqué en duo, où deux femmes se font face et s'imitent mutuellement, créant un dialogue sonore complexe et rythmique.

Caractéristiques du Katajjaq :

  • Duo vocal : Lekatajjaq est presque toujours pratiqué par deux femmes, qui se font face et s'imitent mutuellement.
  • Rythmes complexes : Les chanteuses utilisent une variété de sons et de rythmes pour créer une texture sonore riche et complexe.
  • Imitations de sons de la nature : Les chanteuses imitent souvent les sons de la nature, tels que le vent, l'eau, les animaux et les activités quotidiennes.
  • Compétition amicale : Lekatajjaq peut être considéré comme une forme de compétition amicale, où les chanteuses tentent de surprendre et de déconcerter leur partenaire.

Lekatajjaq était traditionnellement pratiqué pendant les mois d'hiver, lorsque les communautés inuites étaient isolées et avaient peu d'autres formes de divertissement. Il était également utilisé comme une forme de communication et de lien social.

Le Chant de Gorge dans d'Autres Cultures

Bien que le chant diphonique touvain et lekatajjaq inuit soient les formes les plus connues, des techniques vocales similaires existent dans d'autres cultures à travers le monde. Par exemple, les peuples Xhosa et Zulu d'Afrique du Sud pratiquent des formes de chant de gorge polyphonique, où plusieurs chanteurs produisent simultanément des notes différentes, créant un ensemble harmonique complexe.

Dans certaines cultures tibétaines, les moines utilisent des techniques vocales similaires pour produire des bourdons graves et profonds lors de leurs méditations et de leurs rituels. Ces chants sont considérés comme sacrés et sont utilisés pour créer une atmosphère de paix et de contemplation.

Le Renouveau Contemporain du Chant de Gorge

Au cours des dernières décennies, le chant de gorge a connu un renouveau d'intérêt et de popularité à travers le monde. Des artistes de tous horizons ont commencé à explorer et à expérimenter avec cette technique vocale unique, créant de nouvelles formes d'expression musicale.

Plusieurs facteurs ont contribué à ce renouveau :

  • La mondialisation : La mondialisation a permis une plus grande diffusion des cultures et des traditions à travers le monde, y compris le chant de gorge.
  • L'intérêt pour les musiques du monde : Le public est de plus en plus intéressé par les musiques du monde et les traditions culturelles différentes.
  • L'exploration musicale : Les musiciens sont constamment à la recherche de nouvelles techniques et de nouveaux sons pour enrichir leur musique.
  • La sensibilisation culturelle : Les efforts de sensibilisation et de préservation des cultures autochtones ont contribué à la reconnaissance et à la valorisation du chant de gorge. Des activistes comme Shina Novalinga utilisent les réseaux sociaux pour partager les traditions inuites, y compris le katajjaq, avec un large public.

Aujourd'hui, le chant de gorge est enseigné dans les écoles de musique, les universités et les ateliers à travers le monde. Des festivals et des concerts sont organisés pour célébrer cette forme d'art unique et pour permettre aux chanteurs de gorge de partager leur musique avec un public plus large. Des artistes comme Aleksandr proposent des cours de chant de gorge sur YouTube, rendant cette technique plus accessible à ceux qui souhaitent l'apprendre.

Le Chant de Gorge et la Science

Le chant de gorge a également suscité l'intérêt des scientifiques, qui étudient les mécanismes physiologiques et acoustiques qui permettent de produire ces sons complexes. Des recherches ont montré que le chant de gorge implique un contrôle précis des muscles de la gorge, de la langue et de la bouche, ainsi qu'une coordination complexe entre la respiration et la phonation.

L'étude du chant de gorge peut également nous aider à mieux comprendre le fonctionnement de la voix humaine et à développer de nouvelles techniques de thérapie vocale. En comprenant comment les chanteurs de gorge contrôlent leurs résonances et produisent des harmoniques, nous pouvons peut-être aider les personnes souffrant de troubles vocaux à améliorer leur voix et leur qualité de vie.

Le Chant de Gorge : Un Patrimoine Culturel à Préserver

Le chant de gorge est un patrimoine culturel précieux qui mérite d'être préservé et transmis aux générations futures. Il est important de soutenir les communautés qui pratiquent cette forme d'art et de promouvoir sa diffusion et sa compréhension à travers le monde.

En apprenant à apprécier et à respecter le chant de gorge, nous pouvons mieux comprendre la diversité et la richesse des cultures humaines et contribuer à la préservation de ce patrimoine culturel unique.

Le groupe "Huun-Huur-Tu", dont le nom signifie "Fragmentation de la lumière du Soleil dans les nuages en plusieurs rayons divergents" en touvain, est un exemple de groupe qui contribue à la préservation et à la diffusion du chant de gorge touvain à travers le monde. Ils interprètent le folklore de l'Altaï en utilisant la technique du chant guttural sur fond d'instruments traditionnels, dont le tambourin.

La chanteuse inuite Elisapie souligne l'importance de faire entendre la voix et les traditions des peuples autochtones, y compris le katajjaq. La controverse autour de la nomination d'un album de Connie LeGrande (Cikwes) dans la catégorie de l'album folk de l'année aux IMA, alors qu'elle utilise des chants de gorge, met en lumière les questions de représentation et d'appropriation culturelle.

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